Déontologie des réseaux

Protection de la vie privée

Rappel de la loi

Convention internationale des droits de l'enfant (Ajout : 06.04.2007)

Convention européenne des droits de l'Homme (Dernière mise à jour : 22.03.2003)

Code civil

Code pénal

Compléments sur le courrier électronique

Jugements du TCP du 02-11-200 et du TGI du 17-12-2001

Arrêt de la Cour de Cassation n°4164 du 02 octobre 2001 (Dernière mise à jour : 22.03.2003)

Avis de la CNIL sur l'usage privé sur le lieu de travail

Le cas des listes de diffusion

La confusion public/privé, personnel/professionnel

La confusion accès/usage

La LEN a-t-elle fait disparaître la notion de correspondance privée ?

Les consultations web

Et les élèves dans tout ça ?

Avis de la CNIL sur les journaux d'activité

Le droit à la déconnexion (Dernière mise à jour : 22.03.2003)


Rappel de la loi

Convention internationale des droits de l'enfant

Convention internationale des droits de l'enfant
ONU 1989
Article 16 – Droit au respect de la vie privée et familiale

  1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation.
  2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.

Convention européenne des droits de l'Homme

Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales telle qu'amendée par le Protocole n° 11
Rome, 4.XI.1950
Article 8 – Droit au respect de la vie privée et familiale

  1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
  2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

Code civil

CODE CIVIL Article 9

(Loi du 22 juillet 1893))

(Loi du 10 août 1927 art. 13))

(Loi nº 70-643 du 17 juillet 1970 art. 22 Journal Officiel du 19 juillet 1970)

(Loi nº 94-653 du 29 juillet 1994 art. 1 I Journal Officiel du 30 juillet 1994)
Chacun a droit au respect de sa vie privée.
Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé.

Cet article repose sur des lois dont certaines sont tellement anciennes que jusqu'à présent je n'ai pu en trouver le texte sur internet. Donc, en l'état, c'est trop vague pour pouvoir en tirer des faits précis. On va donc s'intéresser à des textes dont le domaine d'application est beaucoup plus restreint.

Les cabinets juridiques consultés sur cette question sont unanimes à reconnaître que la notion même est à géométrie variable ce qui laisse toute latitude aux juges pour définir dans chaque cas les contenus et limites de la notion de vie privée et d'atteinte à cette même vie privée. Voici par exemple un bref extrait pris chez les professionnels de la justice :
Concernant l'interception de données sur le réseau de l'école on peut légitimement penser que l'interception des différentes communications telles que les chats par exemple sont clairement protégés par la vie privée, ensuite pour le reste l'interception du surf des internautes peut être, en fonction des circonstances, être rattaché ou non à la vie privée.[Référence : http://www.net-iris.fr/veille-juridique/doctrine/9065/interception-de-donnees-sur-le-reseau-une-ecole.php ]

En conclusion, ce serait une très grave erreur de penser qu'on peut prendre plus de liberté avec la vie privée sur un réseau scolaire.
Les professionnels considèrent même que l'article 9 du Code Civil permet de combler les lacunes laissées par les textes sur le secret de la correspondance. En conséquence les collègues qui pensent qu'ils peuvent surveiller n'importe quoi sous prétexte que ce n'est pas de la correspondance se mettent en très sérieux danger.

Code pénal

Respect de la correspondance privée qu'elle soit électronique ou non..

CODE PENAL (Partie Législative) Article 226-15
Ordonnance nº 2000-916 du 19 septembre 2000 art. 3 Journal officiel du 22 septembre 2000

Le fait, commis de mauvaise foi, d'ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à des tiers, ou d'en prendre frauduleusement connaissance, est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Est puni des mêmes peines le fait, commis de mauvaise foi, d'intercepter, de détourner, d'utiliser ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications ou de procéder à l'installation d'appareils conçus pour réaliser de telles interceptions.

Attention pour nous, fonctionnaires de l'Education Nationale. Même chose avec une petite nuance : il n'est pas nécessaire de faire la preuve de la mauvaise foi. Quelle différence ? Eh bien du coup il beaucoup plus facile de se faire condamner car la partie adverse n'a pas besoin de faire la preuve de la mauvaise foi. Et puis on risque trois ans de prison au lieu d'un seul.

CODE PENAL (Partie Législative) Article 432-9
Ordonnance nº 2000-916 du 19 septembre 2000 art. 3 Journal officiel du 22 septembre 2000

Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, d'ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, le détournement, la suppression ou l'ouverture de correspondances ou la révélation du contenu de ces correspondances, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende.
Est puni des mêmes peines le fait, par une personne visée à l'alinéa précédent ou un agent d'un exploitant de réseau de télécommunications autorisé en vertu de l'article L. 33-1 du code des postes et télécommunications ou d'un fournisseur de services de télécommunications, agissant dans l'exercice de ses fonctions, d'ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, l'interception ou le détournement des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications, l'utilisation ou la divulgation de leur contenu.

Pas bien compris la nuance ? Alors trois petits exemples.

Exemple 1

Je rentre chez moi et par inadvertance j'ouvre le courrier de mon fils aîné. Eh oui je me suis laissé avoir Monsieur trucmuche c'est lui mais c'est moi aussi. J'ai pas fait gaffe au prénom et crac j'ai ouvert l'enveloppe avant de réaliser mon erreur.

Si mon fils veut m'attaquer en justice, il va devoir faire la preuve que j'ai agi de mauvaise foi, c'est-à-dire en ayant parfaitement conscience que le courrier lui était destiné... pas facile facile...

Exemple 2

Un courrier du syndicat vous parvient ouvert dans votre casier de la salle des professeurs. La secrétaire vous dit qu'elle n'a pas fait exprès et l'a pris pour un courrier administratif.

La seule chose que vous ayez à prouver c'est qu'elle a ouvert le courrier. La preuve de la mauvaise foi n'est pas à faire. Si elle l'a fait sur ordre alors celui qui a donné l'ordre tombe également sous le coup de l'article 432-9.

Exemple 3

Un mail du syndicat que vous pensiez connu de vous seul est bizarrement évoqué devant vous par votre chef d'établissement. Or vous savez qu'il ne peut pas accéder à votre répertoire de courrier. Vous enquêtez et vous apercevez qu'étrangement il a accès en lecture à votre répertoire de mail.

Non seulement le chef d'établissement est condamnable mais aussi l'administrateur réseau même s'il n'a pas lui-même lu votre courrier car il a facilité l'ouverture de votre mail en donnant les droits d'accès nécessaires à votre chef d'établissement.

Les articles 226-15 à 226-24 concernant les fichiers informatiques relevant de déclaration à la CNIL ne sont pas inintéressants en particulier pour nous, administrateurs réseau, l'article 226-17.

CODE PENAL (Partie Législative) Article 226-17
Ordonnance nº 2000-916 du 19 septembre 2000 art. 3 Journal officiel du 22 septembre 2000

Le fait de procéder ou de faire procéder à un traitement automatisé d'informations nominatives sans prendre toutes les précautions utiles pour préserver la sécurité de ces informations et notamment empêcher qu'elles ne soient déformées, endommagées ou communiquées à des tiers non autorisés est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende.

A noter quand même que la principale personne mise en cause ici est celle qui "procède ou fait procéder". A la place de nos supérieurs hiérarchiques, je me ferais du mouron.

Compléments sur le courrier électronique

Jugements du TCP du 02-11-2000 et du TGI du 17-12-2001

Un texte fondamental est le jugement rendu par le Tribunal Correctionnel de Paris le 02 novembre 2000 puisqu'il traite d'une affaire de violation de la correspondance privée d'une personne alors que

Comme ce sont justement des arguments qui me sont souvent opposés, et que le jugement original complet est un document très volumineux, je vous invite à visiter ici quelques brefs extraits commentés.

Ce jugement, légèrement amoindri (puisque disparaît la qualification de détournement du délit) par le jugement de la cour d'appel un an plus tard (décembre 2001) est néanmoins confirmé quant à la qualification d'usage et de divulgation illicite. Voir ici l'article de http://www.adns-avocats.com/.

Arrêt de la Cour de Cassation n°4164 du 02 octobre 2001

Cet arrêt qui casse un jugement de la cour d'appel spécifie que "le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée [...] et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur"  (un extrait un peu plus important ici).

Avis de la CNIL sur l'usage privé sur le lieu de travail

L'avis de la CNIL dans les conclusions de son rapport relatif à la cybersurveillance sur les lieux de travail ne peut qu'entériner ce qui découle de l'arrêt évoqué ci-dessus.

"L'utilisation de la messagerie électronique professionnelle pour envoyer ou recevoir, dans des
proportions raisonnables, un message à caractère personnel correspond à un usage généralement et
socialement admis. D'ailleurs, compte tenu des termes de l'arrêt de la Chambre sociale de la Cour
de cassation en date du 2 octobre 2001 une interdiction ne permettrait pas à l'employeur de
prendre connaissance dans des conditions régulières du contenu de celles des correspondances qui
relèveraient de la vie privée
des personnes."

Le cas des listes de diffusion

Les listes de diffusion sont un cas plus épineux. Exemple de cas soumis sur le site  http://www.murielle-cahen.com/page2310.asp :

Question :
Des collègues menacent de transmettre à mon chef d'établissement des courriers un peu polémiques que je leur ai adressé, ainsi que des opinions parfois un peu vives émises sur la liste de diffusion d'une association d'enseignants. En ont-il le droit?

Réponse :
Pour ce qui concerne les courriers adressés à des personnes nominativement, il s'agit de correspondances privées au même titre qu'un courrier papier. Leur divulgation non autorisée par l'émetteur est une violation du secret des correspondances qui engage la responsabilité pénale de l'auteur de l'infraction sur le fondement de l'article L 226-15 du Nouveau Code Pénal. En revanche, pour les messages postés sur des listes de diffusion, la jurisprudence est encore hésitante sur la qualification correspondance privée/ communication publique. Elle se prononce au cas par cas en prenant soin d'analyser plusieurs critères.

On peut imaginer sans peine que la nature de la liste (en particulier inscription ouverte/fermée, nature des liens entre les membre de la liste) sera examinée avec soin. Il ne serait peut-être pas idiot de préciser dans le descriptif d'une liste si elle est d'ordre privé ou non. Là encore j'attire l'attention sur le fait que privé s'oppose à public et non pas à "usage professionnel" qui, lui, est s'opposé à "usage personnel". Cette distinction me paraît d'autant plus importante qu'il me semble qu'elle crée des obligations déontologiques supplémentaires au propriétaire de la liste comme de ne pas inscrire un nouveau membre sans en aviser les membres actuels, par exemple.

La confusion public/privé, personnel/professionnel

Même les analyses par des juristes compétents font parfois la confusion entre  personnel/professionnel et privé/public (ou plutôt "non privé" car tout ce qui n'est pas privé n'est pas forcément public, données d'entreprise par exemple).

"Les messages envoyés de l’extérieur et dont l’objet laisse présager une nature privée, ne pourront pas être lus par l’employeur sans que celui-ci ne commette le délit d’atteinte au secret des correspondances. Inversement, on peut imaginer que chaque salarié inscrive dans l’objet s’il s’agit d’un message privé ou professionnel."

Or privé ne s'oppose pas à professionnel.

Exemples : un courrier entre le médecin scolaire et l'infirmière, au sujet d'un élève, n'a pas à être ouvert par la hiérarchie. Un courrier professionnel entre deux enseignants n'a pas à être ouvert par le chef d'établissement.
Ces courriers sont professionnels et pourtant strictement privés, qu'ils soient postaux ou électroniques. En tant que telle toute consultation par un tiers dans un cadre non prévu par la loi (et ce cadre est très restrictif ; voir plus haut) est illégale.
Dans les deux cas, l'ouverture par l'employeur tombe au mieux sous le coup de l'article 226-15 du code pénal, au pire de l'article 432-9 du même code.

On retrouve la même erreur d'opposition dans la FAQ du forum de l'internet :

"En ce qui concerne le contrôle des courriers émis ou reçus par le salarié, l’employeur peut prendre connaissance des courriers professionnels mais en application du secret des correspondances, il ne peut lire un mél identifié comme personnel. De la même manière, les fichiers identifiés comme personnels ne peuvent être ouverts."

La confusion accès/usage

Extrait de la FAQ du forum de l'internet :

"Cependant, bien qu’ayant accès à l’ensemble des données de l’entreprise dans l’exercice de leurs fonctions, les administrateurs de réseaux ne sont pas libres de leur usage."

A cet instant de la phrase le lecteur peut déjà avoir des doutes sur ce qu'il doit comprendre... Voici la suite :

"Ainsi, ils ne peuvent divulguer le contenu d’un courrier personnel d’un salarié, y compris à la demande de l’employeur, au risque d’engager leur responsabilité pénale sur le fondement de l’article 226-15 du code pénal ; cet article condamne le fait d’ouvrir ou de prendre connaissance de mauvaise foi des correspondances destinées à autrui."

Et là le doute du lecteur s'installe et ceci à cause du mot "divulguer". Si on lui interdit de divulguer ça peut vouloir dire qu'il a pu prendre connaissance alors que ceci est contredit dans la phrase suivante, à juste titre d'ailleurs. Alors il est bien important de comprendre exactement la portée du jugement du 17 décembre 2001 et de ne pas le lire de travers. Voici un extrait précis de ce jugement :

"au cas d'espèce, aucun artifice ni stratagème ne peut être retenu. Il est dans la fonction des administrateurs de réseaux d'assurer le fonctionnement normal de ceux-ci ainsi que leur sécurité ce qui entraîne, entre autre, qu'ils aient accès aux messageries et à leur contenu, ne serait-ce que pour les débloquer ou éviter des démarches hostiles. Ils ont donc un accès courant au réseau sans avoir besoin d'une quelconque manoeuvre"

L'ambiguïté vient de "accès aux messageries et à leur contenu". Précisons qu'il pesait à l'époque une grave inquiétude sécuritaire sur le réseau du laboratoire pour comprendre la suite :

"La préoccupation de la sécurité du réseau justifiait que les administrateurs de systèmes et de réseaux fassent usage de leurs positions et des possibilités techniques dont ils disposaient pour mener les investigations et prendre les mesures que cette sécurité imposait – de la même façon que la poste doit réagir à un colis ou une lettre suspecte."

Mais attention toute action doit être proportionnée au but poursuivi. En particulier, pour reprendre l'exemple de la poste ci-dessus, la poste n'a pas le droit d'ouvrir n'importe quelle lettre sous prétexte qu'elle pourrait être piégée. Donc voici la suite :

"Par contre, la divulgation du contenu des messages, et notamment du dernier qui concernait le conflit latent dont le laboratoire était le cadre, ne relevait pas de ces objectifs.
En outre, il convient de relever que le laboratoire s'était donné à lui-même la règle déontologique de ne pas lire le contenu du courrier électronique, sauf mise en cause de la sécurité du système, ce qui n'était pas, ou plus, le cas début 1997."

Pour bien comprendre le "proportionné au but poursuivi", lequel est à l'unique appréciation du juge, s'appuyant généralement sur la jurisprudence quand elle existe, voici un exemple :

Si un administrateur de messagerie doit débloquer tout un système de messagerie à cause d'un gros message dans une seule boîte, il n'a pas le droit de le lire pour savoir si c'est un message important ou pas car il a les moyens informatiques de résoudre le problème en évitant cette lecture, par exemple en demandant l'autorisation au propriétaire de supprimer le message ou en lui demandant de le retirer du serveur lui-même ou en le déplaçant momentanément vers un autre endroit du disque.

Ce dernier cas est justement évoqué dans le jugement du 02 novembre 2000 :

"Celle-ci [la sécurité du réseau - NDW], enfin, n'était pas davantage en question lorsque ... avait été amené à débloquer le système du laboratoire, aux alentours du 23 janvier 1997, puisque le seul déplacement de certains fichiers avait permis, selon son propre aveu, le retour au fonctionnement du réseau sans qu'il soit nécessaire d'intervenir sur les messageries des étudiants et que le prévenu pouvait, d'ailleurs, assurer la surveillance du volume et de la destination du courrier de la partie civile par le seul contrôle du répertoire de la messagerie, sans y pénétrer."

Cette fois c'est clair. On peut techniquement contrôler un certain nombre d'éléments concernant le courrier sans pénétrer le contenu des messages et par conséquent les arguments invoqués par la défense sont tombés. C'est bien là qu'intervient la notion de proportionné au but poursuivi.

La LEN a-t-elle fait disparaître la notion de correspondance privée ? [Ajout juin 2005]

Connaissant mon intérêt pour le respect de la vie privée (et en particulier le secret des correspondances privées, fussent-elles situées sur un réseau d'établissement), d'aucuns m'ont fait savoir l'an passé que la LEN (Loi pour la confiance en l'économie numérique) ne faisant pas référence dans sa définition du courrier électronique à la notion de correspondance privée, les termes en lesquels j'avais défendu mes positions n'étaient peut-être plus viables.

J'ai soutenu alors que l'absence d'une précision n'équivaut pas à la précision du contraire. Je découvre aujourd'hui avec joie (et un an de retard) que le Conseil Constitutionnel est venu à mon secours le 10 juin 2004 :

http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2004/2004496/2004496dc.htm

... tout-à-fait en passant et au sujet d'un recours qui n'avait pas la correspondance privée pour objet (mais la responsabilité des hébergeurs et le droit de réponse).

En effet, l'attendu numéro 3 de cette décision du Conseil Constitutionnel remet à sa juste place la disposition portant définition du courrier électronique dans la LEN:

"3. Considérant que cette disposition se borne à définir un procédé technique ; qu'elle ne saurait affecter le régime juridique de la correspondance privée ; qu'en cas de contestation sur le caractère privé d'un courrier électronique, il appartiendra à l'autorité juridictionnelle compétente de se prononcer sur sa qualification ;"


ce qui restitue sans contestation possible toute sa compétence au juge et au régime jurisprudentiel en vigueur établi, entre autres, par la décision du 2 décembre 2001 de la cour de cassation dans l'affaire Nikon vs F.Oxxxxx. En résumé, pour les non spécialistes : c'est toujours le tribunal qui, en fonction de critères classiques (non liés forcément au support électronique) distinguant la correspondance privée de la communication publique décidera si un courrier électronique relève de l'une ou l'autre catégorie.

Et donc pour reprendre les termes consacrés, un courrier est notamment déclaré correspondance privée "lorsque le message est exclusivement destiné à une ou plusieurs personnes, physiques ou morales, déterminées ou individualisées".

Notez bien l'importance de l'expression "déterminées ou individualisées" elle est capitale ! Il n'y a pas de redondance ou de pléonasme dans un texte législatif. En effet :
 - le "ou" indique clairement qu'il n'est pas nécessaire de voir figurer les adresses individuelles des destinataires
 - le "déterminées", couplée à la remarque ci-dessus, fait entrer dans le champ d'application certaines listes de diffusion fermées au public, à inscription non libre, et dont l'ensemble des abonnés est "déterminé".

Attention aux envois multiples. L'élément "destinataire public" étant absorbant vis à vis de l'opération "envoyer un mail", celui-ci prendrait évidemment la précédence, à juste titre, dans la décision d'un juge.

Les consultations web

Tout le monde admet que les contrôles statistiques et anonymes sont licites. Le cas devient épineux dès lors qu'on met en relation un poste de travail ou une personne avec l'URL d'un site consulté. Extrait d'analyse sur http://www.juriscom.net :

"Enfin, s’agissant des techniques de contrôle : en matière de navigation sur le Web, seul un contrôle des temps de connexion par poste, sans identification des sites consultés pourra être réalisé en principe".

Cette interprétation me paraît satisfaisante et j'attire l'attention sur l'énorme différence qu'il y a entre journaliser et contrôler. La loi nous oblige à journaliser afin de répondre aux obligations légales de répondre aux requêtes de justice en cas de procédure. Cela ne donne en aucun cas le droit de consulter le détail de ces journaux de sa propre initiative car cela relève alors de la violation de la vie privée.

Je me réjouis de constater, a posteriori, que c'est également l'avis de la CNIL dans son rapport sur la cybersurveillance des salariés ainsi que l'interprétation que l'on peut donner aux nouveaux articles du code des postes et télécommunications (Loi 2001-1062 du 15 novembre 2001).

Et les élèves dans tout ça ?

On croit parfois que les élèves parce qu'ils sont souvent mineurs ou, pire, parce que ce sont des élèves, ont moins de droits que les personnels qui les encadrent. C'est sans doute vrai dans certains domaines, c'est parfois l'inverse dans d'autres (lois sur la protection des mineurs). En ce qui concerne la collecte d'informations personnelles, c'est totalement faux.

La loi de 1978 ne prévoit aucune disposition spécifique pour les mineurs. En conséquence de quoi la CNIL a émis un certain nombre de recommandations.

Rappelons par ailleurs quelques principes fondamentaux dans la collecte de données à caractère personnel :

La notion de données à caractère personnel recouvre toutes les informations concernant une personne identifiée ou identifiable (voir Directive 95/46/CE).

Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données
Chapitre 1 - Article 2 – Définitions

  • a) "données à caractère personnel", toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable ("personne concernée"); est réputée identifiable une personne qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un numéro d'identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale.
  • b) "traitement de données à caractère personnel" ("traitement"), toute opération ou ensemble d'opérations effectuées ou non à l'aide de procédés automatisés, et appliquées à des données à caractère personnel, telles que la collecte, l'enregistrement, l'organisation, la conservation, l'adaptation ou la modification, l'extraction, la consultation, l'utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou interconnexion, ainsi que le verrouillage, l'effacement ou la destruction;

Pour bien comprendre les subtilités de la législation, deux exemples.

Donc l'élève comme l'enseignant, doit être informé de ce qui est collecté le concernant et de la façon dont cela est traité et protégé des accès illicites. Il peut à tout moment demander si l'on traite des données personnelles à son sujet lesquelles et comment. Le refus de répondre à ce type de requête est passible d'une amende de 5e classe (soit jusqu'à 1500 euros, voire jusqu'à 3000 euros en cas de récidive).

Avis de la CNIL sur les journaux d'activité

La CNIL met ici clairement à l'index la conservation nominatives des sites consultés au même titre que des messages envoyés.

Enfin, sous l'influence sans doute des entreprises américaines, les employeurs soumettent individuellement aux salariés des engagements écrits équivalant à une abdication complète de leurs droits.

Ainsi, certaines des chartes dont la CNIL a eu à connaître prévoient que l'ensemble des données de
connexions qui peuvent révéler à l'administrateur du système, ou au chef de service, ou au
directeur de personnel, l'usage qui est fait de l'outil (les sites qui ont été consultés, les messages qui
ont été adressés) sont conservées pendant des durées très longues et font l'objet d'analyses
individualisées
.

...

Cependant, les salariés demeurent encore largement ignorants des possibilités de traçage,
notamment par accumulation et recoupement de traces multiples, que les nouvelles technologies
offrent à l'employeur et, de fait, l'équilibre nécessaire entre contrôle légitime exercé par l'entreprise
et respect des droits des salariés ne paraît pas assuré dans bien des cas
.

Le droit à la déconnexion

Voilà un point qui intéressera particulièrement les administrateurs réseau, surtout dans le système éducatifs où cette charge de travail s'appuie aujourd'hui à plus de 90% sur le bénévolat.

Il n'y a pas aujourd'hui de texte spécifique sur ce sujet. Mais on peut revenir à l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et à l'article 9 du Code Civil, cité en en-tête de cette page ainsi qu'aux textes d'applications qui en découlent. De ces textes il ressort les choses suivantes :


mailto:etienne.durup@free.fr

Dernière mise à jour : 06.04.2007